Pour La Dignité de la Femme

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Marche pour la paix en Casamance: Les quatres v érités des femmes aux hommes

Marche pour la paix en Casamance :
 Les quatre vérités des femmes aux hommes
article publié dans Walf Fadjri
(un quotidien d'information sénégalais publié à Dakar)



Fatiguées d’être des témoins impassibles des affrontements meurtriers entre l’armée et les rebelles du Mfdc, les femmes de la Casamance sont descendues hier dans la rue après une veillée de prières. Cette initiative qui traduit l’exaspération de cette catégorie sociale, a été une occasion pour les marcheuses d’exiger aux protagonistes du conflit, la cessation immédiate des hostilités pour le retour de la paix en Casamance.

ZIGUINCHOR - Les femmes de la Casamance ont choisi le vendredi 14 janvier qui coïncide avec le quatrième anniversaire de la disparition du chef historique de la rébellion casamançaise, l’abbé Augustin Diamacoune Senghor, pour dénoncer le regain de tension noté ces derniers jours dans cette région sud du Sénégal, notamment dans le département de Bignona. Après une veillée de prières à la place Gao de Ziguinchor, plusieurs centaines de femmes sont descendues dans la rue pour exiger la cessation immédiate des hostilités entre l’armée et les rebelles du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc). Pendant plus d’une heure, elles ont marché, chanté, imploré le Tout Puissant pour un retour définitif de la paix dans cette région sud du Sénégal. Il s’est agi pour ces femmes de manifester leur lassitude devant un conflit qui s’éternise et qui fait de la Casamance un cimetière à ciel ouvert. Elles refusent ainsi de continuer à être des témoins impassibles d’un carnage qui ne dit pas son nom.

Cette réaction des femmes fait suite à un constat alarmant. Depuis des semaines, la Casamance est de nouveau le théâtre d’affrontements meurtriers entre l’armée et les rebelles du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance. Une recrudescence de la violence qui s’accompagne, selon la gent féminine, d’un cortège de morts et de destruction de biens ‘qui plongent de plus en plus les populations dans un climat d’inquiétude et d’incertitude pour l’avenir immédiat et lointain’. Face au lourd tribut humain, mais aussi à la désintégration progressive du tissu économique et social de la région, les femmes de la Casamance expriment leur profonde inquiétude et leur exaspération. Cette situation délétère, selon les marcheuses, ‘ne peut et ne doit prospérer au risque de conduire la région dans le chaos’.

Sachant que le silence - et l’indifférence - ‘nous culpabilise et constitue le terreau hélas fertile de la mise à mort programmée de la Casamance’, la plate-forme des femmes, à l’origine de la marche d’hier, appelle à un élan solidaire pour arrêter la logique désastreuse des confrontations armées qui prennent de plus en plus les allures d’une escalade meurtrière. ‘Ceux qui meurent dans les deux camps, sont nos fils, nos frères. Ils sont des frères dont la perte ou les mutilations affectent durablement notre vécu de donneuses de vie chargées aussi de la protéger’, clament-elles.

Les femmes de la Casamance se disent convaincues que ‘le conflit casamançais n’est pas une fatalité. Il est le fait des hommes, donc, la solution est à notre portée’. C’est pourquoi leur plate-forme appelle toutes les femmes, organisées ou non, à joindre les efforts, à se mobiliser dans un vaste mouvement pour exiger des parties en conflit de se retrouver autour d’une table de négociation pour solder pacifiquement ce conflit qui n’a que trop duré.

D’ailleurs, aux deux protagonistes, les femmes de la Casamance implorent qu’ils fassent preuve de retenue pour sauvegarder des acquis assez fragiles d’une Casamance trop malmenée par ce conflit. Les forêts, les rizières et les routes, selon la plate-forme des femmes, ‘sont transformées en champs de lamentation hantés de plus en plus par le spectre des affrontements, des braquages, bref, de l’insécurité généralisée’. Convaincues que s’il y a un temps pour la guerre, il y a aussi et surtout un temps pour la paix, elles rappellent qu’’il n’y a jamais de guerre sans fin. Il faut mettre fin à la souffrance tragique vécue en Casamance’. C’est pourquoi, fortes de leur devoir de donneuses et de protectrices de la vie, elles exigent de tous, l’arrêt immédiat de ces tueries insensées.

De l’Etat, il est attendu la mise en place de toutes les dispositions pour la reprise immédiate des négociations. Pour ce qui est du Mfdc, la plate-forme des femmes exige l’unité de tous ceux qui se réclament de ce mouvement, pour d’une seule voix, répondre à l’appel du dialogue. Aussi, les femmes marcheuses qui étaient tout en larmes hier, invitent tous les Sénégalais à prendre conscience que ce conflit n’est pas exclusivement casamançais, ‘car ceux qui meurent aux combats, ceux qui souffrent de ses conséquences sont tous des Sénégalais de sang et de chair’. Ces exigences formulées par la plate-forme des femmes sont contenues dans un mémorandum remis au chef de l’exécutif régional, Cheikh Tidiane Dieng, mais aussi, au préfet de Ziguinchor, Gorgui Mbaye.

Cette forte mobilisation teintée d’émotion intervient dans un contexte de recrudescence de la violence en Casamance. En deux semaines, douze soldats ont trouvé la mort dans des affrontements qui ont fait également plusieurs pertes dans les rangs des rebelles du Mfdc. C’est à ce bain de sang que les femmes veulent mettre un terme. Reste maintenant à savoir si cet énième appel à la cessation des hostilités sera entendu par des protagonistes restés, depuis toujours, insensibles aux cris de détresse d’une population fatiguée par vingt-huit ans de conflit armé dans cette partie méridionale du Sénégal.

Mamadou Papo MANE



17/01/2011
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