Condition de la femme dans la société musulmane
FFPM – Table ronde sur la dignité de la femme
12 avril 2008 à Paris
par Mme Fewzia. Baroudi
« Mon cœur accueille toute forme de religion :
Il est une prairie pour les gazelles
Un cloître pour les moines
Un temple pour les idoles
Et une kaaba pour le pèlerin – les tables de la Thora et le livre du Coran
L’amour seul (mahabba) est ma religion. »
Ibn Arabi (grand mystique musulman)
Le soufisme, « une ouverture sur le réel »
Condition de la femme dans la société musulmane
Le Coran est venu réparer les injustices faites aux femmes, par :
1. l’interdiction du meurtre des filles
2. l’interdiction du mariage forcé, du troc ou de l’échange des femmes
3. la codification du mariage dans lequel la femme est partie au contrat
4. l’instauration du don nuptiale obligatoire et qui est bien propre de l’épouse
5. l’instauration du droit à la succession, la femme passe de la situation de bien appartenant à un homme à la situation de sujet ayant des droits patrimoniaux et moraux
6. la codification de la polygamie
7. la réglementation du divorce
8. la vie = association homme – femme.
Les femmes dans la société musulmane
L’islam unificateur, a tenté d’améliorer le statut de la femme, considérée par la société préislamique comme un être faible et irresponsable.
Il faut se garder de juger les prescriptions coraniques avec en tête, le système de valeurs des libéraux du 21e siècle. Pour les comprendre et les apprécier, il faut les replacer dans leurs contextes historique et social (c.à.d. dans leur temps et leur milieu social).
Le statut coranique est un progrès considérable sur l’absence de statut qui mettait bien souvent la femme au même niveau que les chameaux chez les bédouins.
Suivons d’étape en étape, la vie sociale d’une femme musulmane.
Le Coran est venu réparer les injustices faites aux femmes pendant la période préislamique
1. Interdiction du meurtre des filles
La naissance d’une fille n’était guère appréciée de la société, où les clans étaient d’autant plus riches qu’ils comptaient davantage de guerriers, d’hommes vigoureux. Avant l’islam, la coutume était souvent de tuer les filles en les enterrant vivantes. Le Coran a formellement interdit cette pratique, que les bédouins (et même les sédentaires Koraïchites) pratiquaient le meurtre des filles à leur naissance avant l’islam justifié par la crainte du dénuement et de la pénurie.
Ne tuez pas vos enfants par crainte de pénurie
À nous (Dieu) de leur octroyer comme vous subsistance.
Les tuer c’est une pure abomination.
2. Interdiction du mariage forcé et du troc ou l’échange des femmes, pratiqués dans la société préislamique
Dès son enfance, la fillette était promise comme épouse à tel ou tel homme, mais ce n’était pas une règle générale, certains pères et frères attendaient qu’elle fut nubile pour l’échanger contre une épouse pour eux-mêmes.
Dans tous les cas, on ne se préoccupait point de sa volonté quant au choix du futur mari : la promesse de mariage était conclue, par le père, le frère, ou le tuteur, sans que l’intéressée fût consultée.
On pratiquait de la même façon, soit dit en passant, dans la société française (comédies de Molière et romans de Balzac).
Un hadith du prophète viens préciser que même le père ni quiconque ne peut marier sans son consentement une fille vierge, ou une femme ayant déjà été mariée.
Le prophète lui-même consulta sa fille Fatima, avant de la donner en mariage à Ali.
Cette disposition juridique montre que le Coran est « progressiste » par rapport à la coutume des anciens Arabes, qui resta profondément vivace dans la société musulmane. Mohamed, en bon gouvernant, sait que les faits sont têtus et qu’il ne suffit pas d’une loi pour que les hommes changent de conduite, il a cependant souligné la gravité du bien matrimonial et de la famille conjugale.
Il est à préciser que malgré l’interdiction imposée par la loi coranique, l’échange ou le troc des femmes continuaient à être pratiqués dans la société arabo-musulmane.
3. Codification du mariage
Avant l’islam, l’institution du mariage était très floue : l’homme choisissait la femme ou les femmes qu’il désirait, « les achetait » à leur famille, les répudiait quand bon lui semblait, ou les troquait contre la fille ou la sœur d’un autre.
La loi coranique est venue réparer cette injustice en conférant au mariage un statut plus grave, et le considère comme un contrat tacite entre un homme et une femme, qui implique l’accord expresse de l’épouse, sans lequel le mariage serait non valide.
Validité = l’accord des parties + le versement d’un don nuptiale à la mariée.
Pour les conjoints, ils en découlent des droits et des devoirs.
L’autorité maritale prédomine, comme dans toutes les sociétés de l’époque, musulmane ou non. Il faut rappeler que dans le droit français, antérieur à la deuxième guerre mondiale, la femme mariée était une mineure juridique, et devait obtenir l’autorisation maritale pour toutes ses actions économiques.
Mais, le Coran vient relativiser l’autorité de l’homme et la limite par ce qui était appelé « le conseil de famille ». Ce n’est guère le règne du « seigneur et maître », ni celui de la force brutale.
« Si vous craignez la division entre époux,
commettez un arbitre de la famille, un arbitre de celle de l’épouse,
s’ils veulent un raccommodement, Dieu les y fasse réussir. »
Le mariage est conçu comme un contrat aux termes duquel, l’homme s’engage à verser à la femme un don nuptial, à pourvoir à son entretien.
Si toutefois elle a des biens propres, elle en reste la seule propriétaire et la seule gestionnaire. Le mari n’a nullement le droit de disposer des biens de sa femme.
4. Instauration de la dot ou du don nuptial
Le mariage est un « grave engagement » selon le Coran, il implique de la part du mari le versement d’un don nuptial à sa femme, qui reste sa seule propriété même en cas de répudiation.
« Si vous voulez substituer une épouse à une autre,
eussiez vous donné à l’une d’elle un quintal d’or,
n’en récupérez pas une miette,
le feriez-vous, au prix d’une infamie, d’un péché flagrant ?
Comment le feriez-vous ? »
Cela ne signifie pas que le musulman « achète » sa femme, mais qu’il lui fait un présent qui reste sa propriété même en cas de répudiation.
Dans la société préislamique, il y avait au contraire bien achat, dont le bénéficiaire était le père, le frère ou le tuteur.
« Donnez aux femmes sans contrepartie leurs dons nuptiaux ; si toutefois elle vous en faisaient pour une part remise gracieuse et spontanée, alors, mangez-en tranquillement… »
5. Instauration du droit à la succession
Avant l’islam, la femme du défunt faisait partie de son héritage et revenait en pure propriété à l’un de ses héritiers (tout comme dans la société romaine et l’époque bien après).
L’islam abolit cette coutume injuste et humiliante pour la femme. En plus de cette libération effective, il la rendait elle-même héritière, alors qu’elle n’avait aucun droit à l’héritage. Ainsi la femme passe de la situation de bien n’ayant aucun droit à celle de sujet dans la loi coranique, sujet juridique ayant de nombreux droits moraux et patrimoniaux.
Avant l’islam, les biens allaient aux parents mâles les plus proches, étaient exclues les épouses et les filles du défunt (les épouses considérées comme biens faisaient objet de partage).
Le Coran a modifié du tout au tout de ce droit successoral primitif, et a agit comme un formidable moteur de progrès, élevant le statut de la femme à un niveau qu’elle n’avait jamais connu (dans aucune des autres sociétés à l’époque). Le livre saint, en effet, interdit de considérer les femmes comme des biens successoraux, prévoit le sort des veuves de guerres et attribut aux femmes des droits imprescriptibles.
« Vous qui croyez, il n’est pas pour vous licite de recevoir des femmes en héritage contre leur gré… »
L’indépendance de la femme s’affirme donc dans son droit d’héritier.
6. Codification de la polygamie (restriction et limitation à maximum à quatre épouses)
L’existence de la polygamie codifiée « polygynie », pour préciser que la polygamie n’est pratiquée que par les hommes, est aussi un grand progrès par rapport à la situation antérieure, d’autant et plus que Mohammed considère en politique que l’islam à ses débuts a besoin de combattants, donc il faut favoriser la croissance démographique de l’umma. Or ses combattants meurent souvent sur les champs de bataille. Et, c’est le devoir pour les croyants que d’épouser les veuves de guerriers (hafsa). L’existence de plusieurs femmes induisait une vaste progéniture.
La polygamie en dehors des premiers temps de l’islam est tolérée plus que conseillée. Elle est tempérée par la règle d’égale conduite de l’homme à l’égard de ses épouses.
« Épousez ce qui vous plaira d’entre les femmes
par deux, par trois ou quatre.
Mais si vous craignez de n’être pas justes, alors seulement une,
ou contentez de votre possession légale ;
plus sûr moyen d’échapper à la partialité… »
Lorsque se traite le contrat de mariage, la femme a le droit de faire stipuler que si son mari prend une deuxième épouse, elle aurait le droit de divorcer (ce fut le cas de Khadîdja, et de Fatima avec Ali. Et ces deux hommes prestigieux ne prendront plus épouses qu’après la mort de l’une et de l’autre.
La femme a donc le droit d’interdire la polygamie sous peine de divorce, ainsi la polygamie codifiée sera extrêmement limitée et revient à une situation extrême.
La codification de la polygamie est donc un progrès énorme par rapport à l’époque antérieure et par rapport à ce qui se passait dans les sociétés non musulmanes.
7. Réglementation du divorce
L’islam tient à préserver les liens du mariage et le prophète (BSDSL) a dit que le « divorce » était la chose licite la plus détestée par Dieu.
Cependant, il y a des cas d’incompatibilité totale d’humeur qui rendent le divorce nécessaire et utile. Sinon le mariage ne serait plus une liaison librement consentie, mais un véritable carcan, de quoi faire fuir les gens du mariage. Cette loi du « juste milieu » si chère à l’islam, empêche aussi beaucoup de crimes et d’empoisonnements comme cela se passait si fréquemment dans les sociétés non-musulmanes.
Le divorce a aussi libéré la femme considérée comme bien meuble pendant la période préislamique. Parmi les injustices flagrantes de cette période, il y avait une coutume qui consistait de la part du mari, à faire le serment de ne plus approcher sa femme pour une période qui pouvait atteindre des années. Ainsi la femme n’était ni mariée ni divorcée, mais retenue abusivement par le mari, ce qui lui occasionnait un grave préjudice. Le Coran est venu limiter cette période à quatre mois (équivalente à la période de retraite légale permettant de s’assurer si l’épouse est ou n’est pas en état de grossesse) ; Après cela il y avait obligatoirement réconciliation ou divorce.
Il est à noter qu’en cas de divorce le mari n’avait aucun droit de toucher à sa dot « fut-elle un quintal d’or ».
Cependant la femme qui craint de désobéir à Dieu en ne répondant aux désirs de son mari, qu’elle n’aime pas, peut se libérer des liens du mariage en se désistant de sa dot au profit du mari ou en le dédommageant par une somme équivalente à la dot perçue (khobr) et les femmes ne s’en privent pas.
8. La vie est une association homme-femme
Le Coran, sourate « Les femmes », chapitre IV, premier verset :
« Ô gens !
Craignez Dieu qui vous a crée d’un seul et même souffle vital.
Il lui créa son épouse et il dissémina à partir d’eux
des hommes en grand nombre et des femmes… »
Ce verset met fin à toutes les assertions mensongères prétendant que la femme est d’une nature inférieure à l’homme et affirme que l’homme et la femme ont été crées d’un seul et même souffle vital, et que la vie n’est complète que par leur association.
Dans la société préislamique, la femme était une partie du patrimoine, « un bien ». L’islam abolit ce statut et en crée un autre, qui met la femme sur la voie de l’égalité juridique avec l’homme.
Le droit occidental devra attendre le 20e siècle pour en arriver au même point. Toutefois, il faut bien s’entendre : le droit, même coranique, n’est pas le reflet des mœurs, mais le moteur de changement, et ce moteur n’est efficace que s’il agit doucement sur les mœurs, dont il doit savoir tenir compte. C’est ce que fait le Coran. Mais entre la vision coranique et la réalité vécue, il y avait une distance, parfois même un abîme, qui n’a pas encore été entièrement franchi de nos jours.
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